COMPOIX DE SAINT-PAUL-DE-COURTESON (BEAUCAIRE, GARD) DE 1611
Pierre CASADO (éditeur scientifique)
Ce document n’est pas à proprement parler un compoix bien qu’il en ait la même architecture. Il s’agit d’un terrier seigneurial, document foncier à usage fiscal pour l’établissement des calculs pour la perception de la dîme sur le terroir de Saint-Paul-de-Courteson. Il est conservé aux Archives départementales du Gard, sous la cote H 684 et porte la date de 1611. La seigneurie de Saint-Paul-de-Courteson a toujours eu pour seigneur depuis 1208[1]l’abbesse du « dévôt monastère du couvent de la Font de Nismes». Ce couvent sera détruit pendant les guerres de religion et nous retrouverons en 1665 cette communauté religieuse transférée à Beaucaire[2].
Cette seigneurie occupait une partie du terroir actuel de la commune de Beaucaire au Sud-Ouest. Nous pouvons en établir son finage en prenant comme limites au Sud-Est l’actuel Canal du Rhône à Sète, au Nord la commune de Jonquières-Saint-Vincent, plus à l’Ouest la commune de Redessan, puis celle de Manduel, enfin au Sud-Ouest la commune de Bellegarde. Le souvenir de cette seigneurie subsiste à l’époque contemporaine avec les lieux- dits Saint-Paul, Saint-Paul Caron, Saint-Paul Livourne, Saint Paul du Mas du Conse,Saint-Paul pres Valescure, Saint-Paul Valor.
Ce terrier se présente sous la forme d’un registre d’un format de 40 x 28 x 4, muni d’une couverture cartonnée recouverte de cuir. Au début du registre, l’encre acide a détérioré le papier surtout au niveau des lettrines qui ornent les rôles. L’ouvrage débute par une table des noms des assujettis (3 folios), suivie du protocole de faction de ce livre terrier signé de la main de l’arpenteur Anthoine Daniel de « Marceilhargues ». Ensuite vient le corpus (80 folios) qui débute par le rôle de Jean de Porcellet et se termine par le rôle de Guilhaume Julhan, serrurier. Le bas du dernier folio du corpus comporte la conclusion de la rédaction du document, signé à nouveau par Daniel, l’arpenteur. L’ouvrage s’achève par une nouvelle table des assujettis (1 folio), mise à jour rédigée postérieurement.
La langue du document ressortit essentiellement à la langue française du XVIIe siècle. Les occitanismes relèvent tous du lexique agraire : carriere, carrons, hermas, pactus, pallus, poussieu, vannade.
Lexique :
– L’agraire :
+ carriere, s. f. ; francisation de l’occitan carrièra = "chemin rural".
+ carrous, s. m. pl. ; (les hermas ou carrous ; contient la terre labourative sans comprendre les carrous septante deux saumées, deux émines, neuf picotins) ; ce terme, glosant hermas = "terrains incultes", ne peut bien évidemment pas être rattaché à l’occitan carron = "espèce de froment". Si nous ne sommes pas en présence d’une forme graphique corrompue spécifique à ce document, il s’agit très probablement du terme occitan cossor / cossouen usage dans la région d’Arles avec le sens de "portion de pâturage pour les brebis". Ce terme par rhotacisme ([s] > [r], phénomène avéré dans les documents écrits à Beaucaire depuis le Moyen-Âge jusqu’à l’Époque Moderne, a pu devenir *corroupuis carrou par dissimilation du premier /-o-/ par le second.
+ estable, s. m. ; occitan estableou français moderne estable = "écurie", "étable".
+ hermas, s. m. ; occitan ermàs = "grand terrain inculte".
+ jardin, s. m. ; français moderne jardin.
+ pallus, s. f. ; (la pallus ou pasturage de Madame de St Paul) ; graphie corrompue de l’occitan palús = "marais", "terre d’alluvions servant de pâturage".
+ pactus, s. m. pl. ; (les pactus et hermas) ; graphie corrompue de l’occitan pàtus = "terrain de vaine pâture réservé au menu bétail".
+ prés, s. m. pl. ; français moderne prés ; occitan prats.
+ terre labourative, s. f. + adj. f. ; français moderne terre labourative = "terre labourable".
+ terre ouverte, s. f. + adj. f. ; (terre ouverte en culture) ; français moderne terre ouverte = "terre défrichée" ; occitan rompuda.
+ vigne, s. f. ; français moderne vigne ; occitan vinha.
– le bâti :
+ court, s. f. ; français moderne court ou graphie francisée de l’occitan cort = "cour".
+ métarie / mettarie, s. f. ; graphie corrompue du français moderne métairie = "métairie", "ferme" sans doute par l’attraction de l’occitan miejariá.
+ poussieu, s. m. ; graphie corrompue notant la prononciation [ss] per [rs] de l’occitan porcieu, variante de porciel / porciel = "soue", "loge à cochons".
+ teulhiere, s. f. ; (teulhiere couverte et descouverte avec le fourt de chaux couvert) ; francisation de l’occitan teulièra = "tuilerie", "briqueterie".
+ vannade, s. f. ; graphie francisée de l’occitan vanada = "bergerie".
– Les points cardinaux :
+ du cousté du levant = "du côté est".
+ du couchant = "du côté ouest".
+ du vent droict = "du côté nord".
+ du midi = "du côté sud".
– Système de mesure de superficie :
+ le picotin, le destrepour le bâti.
+ la saumée, l’émine / l’esmine, la carterée, le picotinpour l’agraire.